Par Le Docteur Elie Winter, PrĂ©sident de lâAFPEP â SNPP
AprĂšs lâamoxicilline, câest dĂ©sormais au tour de plusieurs psychotropes essentiels de manquer en officine : quĂ©tiapine, sertraline, venlafaxine, lithium, mĂ©thylphĂ©nidate, et bientĂŽt certaines formes retard de neuroleptiques. Le phĂ©nomĂšne prend de lâampleur et devient systĂ©mique.
Une crise qui sâaggrave
Selon les donnĂ©es de lâANSM, les dĂ©clarations de rupture ou risque de rupture de stock ont Ă©tĂ© multipliĂ©es par 10 en dix ans. Si une partie de cette explosion tient Ă une meilleure dĂ©claration des industriels et des pharmacies, lâampleur rĂ©elle des pĂ©nuries constatĂ©es dans nos pratiques cliniques ne fait plus aucun doute, et sâaggrave.
Les psychotropes rejoignent les traitements cardiovasculaires et anti-infectieux parmi les classes les plus concernées.
Comprendre les causes
Quelques exemples emblématiques :
- QuĂ©tiapine : arrĂȘt partiel de la production chez Pharmathen suite Ă un dĂ©faut de qualitĂ©. RĂ©sultat : 7 laboratoires touchĂ©s parmi les 12 qui commercialisent la molĂ©cule en France.
- TĂ©ralithe (lithium) : pĂ©nurie accentuĂ©e par lâeffet report depuis la quĂ©tiapine, aggravĂ©e par le monopole de production de la molĂ©cule.
- Sertraline : dĂ©faut de qualitĂ© + explosion des prescriptions (+124 % depuis 2019), en particulier par les mĂ©decins gĂ©nĂ©ralistes selon lâANSM. On notera une augmentation Ă©quivalente dans dâautres pays europĂ©ens, mais portant sur dâautres molĂ©cules Ă©quivalentes. TĂ©moin dâune crise sociale et dâune santĂ© mentale en souffrance⊠malgrĂ© son Ă©tiquette de Grande cause nationale 2025.
- Venlafaxine : arrĂȘt de production chez Pharmathen + hausse de la demande.
Des réponses⊠limitées :
LâANSM dispose de leviers restreints :
- Interdiction des exportations parallĂšles
- Dispensation Ă lâunitĂ©
- Augmenter les importations auprĂšs dâautres laboratoires (mais impossible pour le lithium en situation de monopole)
- Préparations magistrales ou stocks de dépannage
- Aide à la substitution thérapeutique
Mais ces mesures relĂšvent dâune gestion de crise, pas dâun traitement de fond.Â
Le prix, nerf de la guerre :
Le systÚme français de fixation des prix, via le CEPS, rend notre pays moins attractif pour les laboratoires, surtout en situation de production restreinte. Ces derniers privilégient les marchés plus rémunérateurs. Et lorsque la France importe, elle le fait au prix du pays exportateur. Faut-il pour autant céder à cette pression industrielle, aux dépens de nos finances publiques ?
Une réponse politique est indispensable :
Un rĂšglement europĂ©en contraignant est en discussion⊠mais soumis Ă la lenteur des institutions et Ă la pression des lobbies. Il permettrait une responsabilisation des industriels, et dâenrayer les effets de concurrence entre les pays europĂ©ens.
Dans ce contexte, lâengagement syndical est crucial. Le syndicat Avenir SpĂ© et les CNP portent ces enjeux auprĂšs des pouvoirs publics.
Des outils pour faire face au quotidien renseignent sur lâĂ©tat des stocks dans chaque pharmacie :
- Pour les mĂ©decins : đ www.vigirupture.fr
- Pour les patients : đ www.quellepharmacie.fr
à noter : ces services dépendent de la capacité des pharmaciens à maintenir leurs bases de données à jour en temps réel.
Cette situation est dangereuse pour les patients et scandaleuse dans son inertie. Elle appelle une mobilisation collective forte, dont Avenir Spé est partie prenante.