Jean-Pascal Devailly
Président du SYFMER (Syndicat Français de Médecine Physique et de Réadaptation)
Membre d’Avenir Spé
Le DPC : une impasse ubuesque ?
Une impasse institutionnelle a toujours une histoire.
Au commencement, il y avait la Formation médicale continue. La FMC, créée en 1990 est une obligation déontologique. Tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances. Il doit prendre les dispositions pour participer à des actions de formation continue. Tout médecin participe à l’évaluation des pratiques professionnelles (EPP).
Avec l’instauration de la loi HSPT du 21 juillet 2009, la FMC et l’EPP ont fusionné pour former le Développement Professionnel Continu (DPC), dispositif désormais obligatoire pour tous les professionnels de santé. L’Article 11 du code de déontologie (article R.4127-11 du code de la santé publique) précise aujourd’hui que « Tout médecin entretient et perfectionne ses connaissances dans le respect de son obligation de développement professionnel continu. »
Une explication du caractère ubuesque du DPC tient dans l’article 59 de cette loi qui énumère les objectifs du DPC :
• L’évaluation des pratiques professionnelles
• Le perfectionnement des connaissances
• L’amélioration de la qualité et de la sécurité des soins
• La prise en compte des priorités de santé publique
• La prise en compte de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé
La loi HPST reste encore aujourd’hui interprétée par les uns comme l’instauration d’un contrôle bureaucratique descendant des politiques publiques de santé définies au sommet de l’Etat. Elle substitue à la vieille FMC les nouvelles logiques managériales d’imposition des priorités des politiques publiques de santé au système clinique (« nouvelle gouvernance ») : ces priorités dénaturent la qualité, l’éloignant des résultats cliniques qui donnent du sens à l’action et l’asservissent à la recherche d’efficience. Pour d’autres, elle instaure une logique ultralibérale de commercialisation et de financiarisation de la santé (corporate governance ou gouvernance d’entreprise). Ces deux logiques constituent l’oxymore de la « bureaucratie libérale ».
L’institution du DPC par la loi HPST qui instaure une agence supplémentaire, l’ANDPC est la parfaite illustration de l’affrontement des logiques de régulation des systèmes de santé. Frédéric Pierru décrit l’agentification de la santé. Ces logiques sont incompatibles :
1. La logique gestionnaire : c’est le caractère principal de la loi HPST selon Jean de Kervadoué, La « gouvernance » est fondée sur la rationalité technocratique.
2. La logique de marché : c’est le caractère principal de la loi HPST selon André Grimaldi, Au nom de la concurrence efficiente, elle vise à déréglementer le poids jugé excessif des professions réglementées comme la médecine au risque d’externalités négatives majeures,
3. La logique professionnelle par laquelle les professionnels souhaitent voir respecter le principe d’autonomie s’agissant de leur formation continue, en particulier la liberté du praticien pour l’organiser. Cette logique est entravée par les nouvelles divisions entre Ordres professionnels et à l’intérieur des professions elles-mêmes, enfin
4. La logique politique revendique qui revendique a primauté de la logique démocratique avec la notion de « démocratie sanitaire » à la suite de divers scandales sanitaires mais qui fait souvent de l’usager un client roi, bras armé des payeurs.
Du point de vue des professionnels le terme « ubuesque » vient à l’esprit face à un tel dispositif autoritaire (ANDPC) qui vise à réduire au minimum la concertation dans les processus de décision, et arbitraire, ce qui est constaté s’agissant de l’accord ou du rejet de certaines actions par l’ANDPC et des contrôles jugés trop tatillons et hermétiques, souvent déconnectés de la qualité pédagogique réelle des actions.
L’implantation du DPC en France a été frappée par une malédiction dont l’origine réside dans les contradictions de la loi HPST. Cela a abouti à un désintérêt quasi-total des salariés des établissements et à un intérêt décroissant des libéraux face aux atermoiements observés quant au devenir du DPC. Celui-ci se valide sur 3 ans, alors que la certification périodique doit être validée sur six ans. La certification intègre deux des piliers du DPC (perfectionnement des connaissances et EPP), et deux piliers complémentaires.
Les trois modalités du DPC, parcours selon les CNP, parcours libre et accréditation pour certaines spécialités sont difficiles à comprendre. Dans les CME, très peu d’information a été faite sur le DPC, les collègues ne comprennent pas bien les mécanismes de financement et aucune sanction n’étant annoncée, le dispositif a attiré très peu de médecins qui continuent à se former en dehors de ce cadre.
Les rapports de la Cour des comptes et de l’IGAS sont des plus sévères et la paralysie actuelle incite à des propositions disruptives par rapport à l’ANDPC et au devenir du DPC.
La Cour des comptes dénonce une accumulation de dispositifs et de réformes qui ont rendu le cadre du DPC particulièrement opaque. Cette complexité décourage de nombreux médecins, qui peinent à valider leurs actions de formation dans un référentiel souvent mal adapté à leur pratique. La Cour des comptes recommande une réforme en profondeur de la formation continue. Elle propose de fusionner le DPC et la certification périodique en un dispositif unique, plus simple et mieux adapté aux besoins des praticiens.
L’IGAS, plus radicale constate qu’entre 2020 et 2022, seulement 22 % de la population cible a satisfait à l’obligation triennale de formation. L’IGAS propose de mettre fin à l’obligation de DPC pour les professionnels à ordre, qui sont déjà soumis à la certification périodique. L’IGAS propose trois solutions : le maintien de l’ANDPC, son remplacement par un nouvel établissement public ou la supprimer pour transférer ses moyens à la Haute Autorité de Santé (HAS), qui serait désormais chargée de piloter la formation des professionnels de santé.
Le SYFMER soutient la démarche de la FSM, qui entend faire respecter la position déterminante des CNP dans la conception des parcours de certification et dans le processus de validation.
Les désaccords entre les 7 ordres professionnels de santé associés pour la certification semblent à l’origine de nouvelles difficultés, certains Ordres se voyant bien en contrôleurs généraux des obligations de chaque membre de leur profession, ce qui n’est pas la vision du CNOM.
Notre avis est qu’il vaudrait mieux tenter de sauver ce qui pourrait être intégré dans la certification périodique en exigeant davantage de concertation avec les syndicats et CNP.
Dans l‘attente des décisions relatives au devenir de l’ANDPC, les MPR ont tout à gagner à s’inscrire sur parcouspro.online sur le site de la FSM pour les salariés des établissements et sur le site de l’ANDPC pour les libéraux et salariés des centres de santé. Quoique devienne le DPC, il est probable que ce qui sera enregistré aujourd‘hui pour le DPC sera acquis pour le programme sexennal de certification.
Le SYFMER plaide pour soutenir la position de la FSM, au sein du CNP de MPR.