La loi Rist « portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé » a été adoptée le 10 mai 2023 après avoir été assez fortement amendée sous la pression des syndicats médicaux. Elle concerne essentiellement l’ouverture d’un accès direct ou de pratiques avancées à une série de professionnels paramédicaux.
La proposition de loi Valletoux « visant à améliorer l’accès aux soins par l’engagement territorial des professionnels » veut organiser un engagement de tous les professionnels de santé, médicaux et paramédicaux pour améliorer la couverture territoriale.
A cela s’ajoute le projet Garot
A. La loi Rist
La loi Rist a été adoptée le 19 mai 2023 et publiée le lendemain au Journal officiel. La loi RIST a pour objectif de favoriser une intervention plus directe et plus large de plusieurs professions de santé, sans le passage obligatoire par une prescription médicale
Ceci concerne les IPA, les masseurs-kinésithérapeutes et les orthophonistes exerçant dans les établissements de santé, dans les établissements et les services sociaux et médico-sociaux et dans le cadre des « structures d’exercice coordonné ». Le nombre de séances ainsi ouvertes est limité à huit pour les masseurs-kinésithérapeutes. Le médecin traitant sera tenu informé des bilans effectués.
Des expérimentations géographiquement limitées de 5 ans sont prévues pour les IPA et les masseurs-kinésithérapeutes exerçant en « structure d’exercice coordonné » et une évaluation devra être rendue la Haute Autorité de santé et à l’Académie de médecine avant une généralisation du dispositif. Mais « si les avis prévus à la première phrase du présent alinéa n’ont pas été transmis au Gouvernement dans un délai de trois mois à compter de la notification du projet de décret à la Haute Autorité de santé et à l’Académie nationale de médecine, ces avis sont réputés avoir été rendus. ».
D’autres professions voient également leurs prérogatives élargies :
- Les assistants dentaires : actes d’imagerie à visée diagnostique, actes prophylactiques, aux actes orthodontiques et à soins post chirurgicaux.
- Pédicures podologues : prescription et renouvellement d’orthèses plantaires
- Préparateurs en pharmacie : administration de certains vaccins.
- Pharmacien biologiste : prélèvement cervico-vaginal
- Assistants de régulation médicale
Avec les établissements de santé, tous ces professionnels « sont responsables collectivement de la permanence des soins ».
« Le comité national des coopérations interprofessionnelles peut, après consultation des conseils nationaux professionnels concernés et après avis de la Haute Autorité de santé, adapter les protocoles nationaux autorisés pour les actualiser en fonction de l’évolution des recommandations de bonnes pratiques, pour en modifier le périmètre d’exercice et pour ajuster les modalités ».
Commentaire Avenir Spé.
Le modèle organisationnel des professionnels de santé ainsi émancipé reste très flou. Qui portera la responsabilité d’un retard diagnostique ou d’un traitement inadapté : le professionnel de santé ou le médecin « informé ». Comment se fera la régulation financière de cette nouvelle activité, plus fondée sur le ressenti des patients que sur des critères diagnostiques objectifs ? Un bilan kinésithérapique (23 euros) et sept séances de rééducation représentent au minimum 135 euros… Un coût bien supérieur à celui d’une consultation de spécialiste !
Les spécialistes ont néanmoins des propositions à avancer au travers de la constitution d’Equipes de soins spécialisés intégrant différents professionnels, d’abord sur des plateaux physiquement partagés, puis dans le cadre de réseaux plus larges reposant sur des programmes locaux de formation et l’adhésion à des chartes de qualité et de bonnes pratiques.
B. Le projet de loi Valletoux
Enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 28/04/2023, il a été présenté par les députés Frédéric VALLETOUX, Laurent MARCANGELI, Aurore BERGÉ, les membres du groupes Horizons et apparentés et des membres du groupes Renaissance et apparentés. La phase actuelle porte sur les amendements.
L’exposé des motifs présente le projet comme s’inscrivant dans les engagements du Président de la République de « mieux répartir les praticiens, simplifier, responsabiliser et favoriser les coopérations pensées par les professionnels ».
L’article 1 (…] « fait du Territoire de santé (TDS), déjà défini dans le code de la santé publique, l’échelon de référence de l’organisation locale de la politique de santé. Le Conseil territorial de santé (CTS) en est l’organe de gouvernance. Il définit et met en œuvre le Projet territorial de santé. »
- Les frontières des TDS peuvent être redéfinies avec les ARS, pas nécessairement des frontières administratives.
- Il renforce les missions du CTS et les acteurs du territoire sur l’accès aux soins et l’équilibre territorial de l’offre de soins et de la permanence des soins.
- Les professionnels de santé s’organisent entre eux, via le CTS, pour répondre aux objectifs d’organisation des soins.
- Si ces objectifs ne sont pas atteints, alors l’ARS, après consultation du CTS, pourra mettre en œuvre des mesures pour améliorer l’accès aux soins.
L’article 2 définit la composition du CTS qui « est également l’organe de démocratie sanitaire du territoire, où sont représentés tous les acteurs, dont les usagers »
Selon le Code de la santé publique, « Le conseil territorial de santé est notamment composé des députés et sénateurs élus dans le ressort du territoire concerné, de représentants des élus des collectivités territoriales, des services départementaux de protection maternelle et infantile mentionnés à l’article L. 2112-1, des différentes catégories d’acteurs du système de santé du territoire concerné ainsi que d’un membre du comité de massif concerné. ». La représentation médicale risque fort d’être marginalisée dans ce type d’assemblée pléthorique.
L’article 3 annonce le rattachement de tous les professionnels de santé aux CPTS « pour donner de l’efficacité à la coopération entre les soignants et aux projets de soins partagés ; pour que d’ici la fin de cette année tout le territoire soit couvert par une CPTS »
Le texte indique une adhésion par défaut de tous les professionnels conventionnés. Seule une opposition explicite (et stigmatisante) permettra d’éviter cette adhésion. Cette pression implicite n’est pas acceptable.
D’autre part, l’aire de recrutement d’un médecin spécialiste étant généralement bien différente de celui d’une CPTS, faudra-t-il adhérer à plusieurs CPTS ?
L’article 3 instaure une participation obligatoire à la permanence des soins pour tous, avec « possibilité pour le Directeur général de l’Agence régionale de santé d’appeler les établissements de santé publics et privés à contribuer à la permanence des soins hospitalière. »
Il semblerait que les rédacteurs ont à l’esprit d’obliger les médecins libéraux à prendre des gardes hospitalières et non de participer à un tour de garde intersectoriel, organisé dans un esprit de respect mutuel.
L’article 5 institue un Contrat d’engagement de service public (CESP). « Le CESP prévoit que les étudiants en médecine peuvent se voir accorder une allocation mensuelle en contrepartie d’un engagement à exercer 2 ans minimum sur un territoire donné après la fin de leur formation. »
L’avenir dira l’efficience et le succès d’une telle mesure.
L’article 6 veut doter de la personnalité morale les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) et « porter certaines fonctions à l’échelle du groupement et non plus des établissements seuls ».
Cette mesure placera les directeurs des grands hôpitaux en situation de position dominante sur tout le territoire.
L’article 7 veut « interdire l’intérim médical à tous les professionnels, médicaux et paramédicaux, en début de carrière ».
Interdire l’intérim médical aux jeunes diplômés revient à rendre plus périlleux les choix de carrières pour les jeunes et à priver les établissements en pénurie du recrutement de personnes encore mobiles au début de leur vie active.
L’article 8 vise à « permettre le contrôle, par les juridictions financières et les organismes de contrôle administratif, des cliniques privées et de leurs sociétés satellites […] ».
L’article 9 et l’article 10 proposent de « faciliter l’exercice des médecins étrangers, appelés les Praticiens Diplômés hors de l’Union Européenne (PADHUE), sur le territoire national. »
Les sociétés d’exercice libéral devraient également pouvoir contractualiser des praticiens étrangers.
C. La loi Garot
Le projet Garot, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 janvier 2023 s’intitule « proposition de loi contre les déserts médicaux, d’initiative transpartisane ». Il est question d’une intégration de ces propositions sous la forme d’amendements à la loi Valletoux.
Le texte du projet contient certaines propositions figurant déjà dans la proposition de loi Valletoux. Il s’en démarque par une volonté déterminée de réguler l’installation des médecins et de favoriser la formation de nouveaux médecins dans les territoires sous-dotés. Voici un résumé des points les plus saillants :
« L’article 1er permet de flécher l’installation des médecins – généralistes et spécialistes – et des chirurgiens-dentistes vers les zones où l’offre de soins est insuffisante.
Il crée une autorisation d’installation des médecins et des chirurgiens-dentistes, délivrée par l’ARS. En zone sous-dotée, l’autorisation est délivrée de droit pour toute nouvelle installation. Dans tous les autres cas, c’est-à-dire lorsque l’offre de soins est au moins suffisante, l’autorisation est délivrée uniquement si l’installation fait suite à la cessation d’activité d’un praticien pratiquant la même spécialité sur ce territoire. »
« L’article 2 impose (sauf, bien entendu, cas de force majeure prévus par décret : décès, maladie grave…) un préavis de six mois aux médecins, aux chirurgiens-dentistes et aux sages-femmes quittant leur lieu d’exercice. »
«L’article 3 acte la création, dans chaque département, d’un guichet unique d’information et d’orientation à destination des médecins, sous l’égide de l’agence régionale de santé […]
« L’article 4 propose de créer un indicateur territorial de l’offre de soins (ITOS), élaboré conjointement par les services de l’État en lien avec les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) qui dresse une cartographie précise, par bassin de vie, de la répartition de l’offre de soins sur le territoire français […]
Le directeur général de l’agence régionale de santé devra également fixer annuellement par arrêté l’offre de soins à pourvoir par spécialité médicale dans les zones caractérisées par une offre de soins particulièrement dégradée. Le but de cette nouvelle disposition est de donner un cadre d’application à l’article 10 de la présente proposition de loi, en renforçant le financement public de postes salariés de médecins dans les territoires où la situation est la plus dégradée »
« L’article 5 porte sur la formation des médecins. Il vise à donner la priorité aux besoins des territoires dans le conditionnement du nombre d’étudiants en deuxième et troisième années de premier cycle. »
Les articles 6 et 7 permettent un meilleur accès aux études de médecine pour les étudiants issus des territoires qui possèdent un taux d’accès aux études de médecine particulièrement faible, ou caractérisés par une offre de soins insuffisante et par des difficultés dans l’accès aux soins […]
Dans cette perspective, l’article 6 prévoit d’ouvrir le contrat d’engagement de service public (CESP) dès le premier cycle des études de médecine aux étudiants issus d’établissements d’enseignement secondaire situés dans des territoires qui possèdent un taux d’accès à ces études particulièrement faible […]
« L’article 7 prévoit la création d’Écoles Normales des Métiers de la Santé, à titre expérimental et pour une durée de six ans, ainsi que d’une année préparatoire aux études de médecine, »
« L’article 8 propose la remise d’un rapport du Gouvernement sur les conditions de travail et le statut des externes et des internes en médecine. ». Il propose également d’ouvrir une réflexion sur une régionalisation de l’internat et de renforcer les périodes d’apprentissage des internes en dehors des CHU. »
« L’article 9 vise à favoriser l’installation durable des médecins sur le territoire en limitant à quatre ans la durée des remplacements en libéral dans la carrière d’un praticien. »
« Les articles 10 et 11 […] permettent de systématiser le financement public de postes de médecins salariés au sein de centres de santé dans les territoires où l’accès aux soins est particulièrement dégradé. »
« L’article 12 rétablit l’obligation de permanence des soins. »
« L’article 13 propose d’accompagner le développement de la profession d’Infirmier en Pratique Avancée (IPA) dans les zones où il est difficile d’obtenir un rendez-vous avec un médecin dans des délais raisonnables. »
« L’article 14 facilite l’exercice des Praticiens à Diplôme Hors Union Européenne (PADHUE). »
« L’article 15 supprime la majoration des tarifs à l’encontre des patients non pourvus d’un médecin traitant. »