Comparaison des systèmes de santé en France et en Allemagne

Docteur Thierry BOUR
Ophtalmologiste libéral,
Représentant d’Avenir Spé auprès du Syndicat National des Ophtalmologistes Français (SNOF)
Membre du bureau d’Avenir Spé

 

1er mai 2024

L’IRDES vient de publier un rapport passionnant sur la comparaison des systèmes de santé français et allemand et leurs coûts respectifs.

Contrairement à ce qui se dit régulièrement, la France n’est pas le pays qui dépense le plus pour la santé de ses habitants. L’Allemagne y consacrait 12.7% de son PIB en 2022 versus 12.1% pour la France,  ces 2 pays étant loin derrière les USA qui s’approchent de 18%. La dépense par habitant (en PPA) est nettement supérieure en Allemagne (20%). La part financée par les régimes obligatoires est semblable : 85.5%  pour l’Allemagne  et 84.8% pour la  France en 2021.

Là où la « gouvernance » du système de santé est très centralisée en France avec des caisses nationales quasi-étatiques (CNAM, MSA essentiellement), elle est décentralisée et cogérée en Allemagne entre 94 caisses d’assurance maladie publiques, les associations de médecins et les hôpitaux.

Le secteur ambulatoire présente des similitudes entre les deux pays (prédominance de médecins libéraux), avec une densité par habitant similaire. Il y a cependant en Allemagne moins de médecins généralistes (densité 66/100 000 habitants vs 107), mais plus de médecins spécialistes, avec par ex. 2 fois plus de pédiatres, 3 fois plus de gynécos qu’en France. Les médecins généralistes ne représentent que 36% des médecins de ville contre 50% en France. Les centres de santé (MVZ) avec des médecins et des psychothérapeutes majoritairement salariés se développent, mais les cabinets individuels et les cabinets de groupe libéraux sont largement majoritaires (à plus de 80% pour la plupart des spécialités). La plus grosse différence est que le médecin libéral est entouré d’une véritable équipe qui le seconde : en moyenne 3,4 assistants et infirmiers pour les cabinets médicaux individuels, 8 pour les cabinets de groupe et 19 pour les centres de santé. En tout, 341 000 assistants médicaux travaillant dans un cabinet médical en ville ! Rappelons que l’objectif en France est que 6 000 assistants médicaux aient signé un contrat avec l’Assurance Maladie fin 2024. Début 2022, seuls 5% des médecins généralistes disposaient d’un assistant médical, et 5% travaillaient avec un professionnel de santé (IDE en général) ; d’après une enquête de 2023 de l’URPS Grand Est, 23% des médecins spécialistes libéraux employaient au moins un collaborateur en dehors de leur secrétaire (mais 78% chez les ophtalmologistes en 2022 d’après le SNOF). On mesure le retard pris par notre pays ! Le champ d’activité reconnu des assistants médicaux est également plus large en Allemagne. Les médecins allemands travaillent en moyenne 2 à 5 heures de moins par semaine suivant les sources (54H en France) et font nettement plus de consultations : en 2019, le nombre moyen de consultations de médecins par habitant était de 5,9 en France contre 9,8 en Allemagne. La conséquence est que le temps moyen consacré par consultation est deux fois moins important, ce qui est permis par le travail en équipe.

L’installation des médecins libéraux et des psychothérapeutes conventionnés  est régulée par les professionnels eux-mêmes, elle doit respecter  un ratio de professionnels par habitant dans un territoire géographique dont la taille dépend des besoins de la population (variable avec  les caractéristiques démographiques et sanitaires de la population et avec les spécialités médicales). Les écarts régionaux en densité médicale sont moins importants en Allemagne et l’accessibilité des médecins est considérée comme bonne. Ce mécanisme empêche l’installation de nouveaux praticiens dans une région déjà surdotée, mais ne permet pas d’inciter les médecins à s’installer dans une région sous-dotée donnée.

Les médecins allemands conventionnés sont payés à l’acte, mais dont le montant est modulé en fonction de différents critères. Il y a aussi une part de capitation. Le montant des rémunérations des médecins libéraux conventionnés est diminué au-delà d’un certain volume d’actes, sauf certaines prestations, notamment de prévention, de dépistage  d’éducation thérapeutique et de documentation de données. Il n’y a pas de dépassements d’honoraires pour les médecins conventionnés. Cependant, les citoyens allemands gagnant plus de 5 550 euros par mois ou certains groupes professionnels (11% de la population) peuvent ne pas souscrire à l’assurance maladie publique et choisir une assurance privée qui remplacera totalement l’assurance publique. Les tarifs sont alors libres et plus élevés, ce qui assurent à beaucoup de médecins des revenus complémentaires. Il n’y a pas en Allemagne d’assurances complémentaires.

A l’arrivée, les revenus des médecins allemands sont en général nettement plus importants qu’en France.  Le médecin généraliste en Allemagne gagne 4.5 fois le salaire moyen vs 3 fois en France. L’écart en fonction des disciplines est beaucoup plus resserré en Allemagne ou le MG gagne presque autant que le chirurgien. Les pédiatres et les dermatologues doublent leurs revenus en Allemagne versus la France. Même des spécialités considérées comme bien loties en France (radiologues, ophtalmologistes, gastroentrologues, cardiologues…) sont mieux rémunérées de 25 à 50% en Allemagne, toutes choses étant égales par ailleurs (notamment en réintégrant les charges sociales financées en partie en France en secteur 1 par l’AMO).

Les internes sont mieux rémunérés en Allemagne.

Il existe outre-rhin une séparation stricte entre le secteur ambulatoire et le secteur hospitalier, avec une régulation, une planification et un financement distincts. Le rapport juge le système hospitalier allemand assez peu performant : « Globalement, le secteur hospitalier allemand se distingue par son fort volume d’activité et des durées de séjour plus longues ainsi qu’un faible niveau de chirurgies en ambulatoire. Les taux d’hospitalisations évitables élevés questionnent la pertinence des soins hospitaliers, tandis que les faibles taux d’occupation des lits remettent en cause la soutenabilité financière des établissements », « sans fermeture ou transformation des hôpitaux à faibles volumes, il peut être illusoire de penser que la qualité et l’efficience du secteur hospitalier (allemand) peuvent être améliorées ».

On peut retenir qu’en Allemagne globalement les médecins libéraux sont mieux rémunérées, mieux répartis, plus secondés et travaillent moins ! Ce qui ne veut pas dire que tout y est parfait.

https://www.irdes.fr/recherche/rapports/590-comparaison-des-depenses-de-sante-en-france-et-en-allemagne.pdf

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