3. Principes et objectifs pour la négociation conventionnelle 2023
1. Avant-propos : les négociations de la dernière chance
La médecine spécialisée libérale, comme tout le monde de la santé, est au bord de l’implosion et la population en fait les frais : allongement des délais de prise en charge, même dans les grandes villes, désertification de certaines régions.
Les médecins libéraux se sont déjà beaucoup restructurés. Des groupes importants se sont formés, suivant le mouvement de restructuration des établissements. Les jeunes, souvent des femmes, ne veulent plus s’installer de manière isolée. Mais le rachat par des groupes financiers qui n’ont qu’un objectif de rentabilité économique, est une menace de plus sur la pérennité d’une médecine pour tous et toutes les affections.
Le négociation conventionnelle est la dernière occasion pour coconstruire une organisation rationnelle de la médecine spécialisée, attractive pour les jeunes médecins et permettant de mieux répondre aux impératifs d’urgence et de couverture territoriale. Le passé a été marqué par trop d’immobilisme et d’idéologie.
Un investissement budgétaire significatif est indispensable pour rétablir l’attractivité de la médecine spécialisée libérale et pour conserver la capacité des médecins à financer un outil de travail performant. Le contraire serait inconcevable alors que l’Etat a garanti le chiffre d’affaires des établissements publics et privés et que l’on ouvre les vannes de l’activité paramédicale. Dans ces deux cas, aucune contrepartie de réponse aux besoins ni de qualité des soins n’a été demandée, alors que les obligations pesant sur les médecins spécialistes n’ont cessé de se multiplier.
AVENIR SPE a beaucoup travaillé pour développer des propositions, tant stratégiques qu’opérationnelles. Elles sont empreintes de pragmatisme et s’appuient sur des modèles qui fonctionnent déjà sur le terrain et des statistiques publiques, en particulier l’analyse des bases de données de l’Assurance maladie.
Ce projet doit s’inscrire dans un plan quinquennal de mise en place et de pilotage, Une adaptation à l’inflation doit être programmée, notamment au travers de rendez-vous tarifaires annuels.
2. Les propositions Avenir Spé
La couverture territoriale ne s’améliorera pas sous la contrainte. Personne n’obligera un.e jeune spécialiste de 30 ans à exercer une médecine de haut niveau dans une région déshéritée où il n’y a pas de collègues pour s’organiser collectivement, pas de structure pour accueillir ses enfants, pas de travail pour son.sa conjoint.e…
Notre projet d’Equipes de Soins Spécialisés (E.S.S.) doit donner aux médecins spécialistes libéraux les moyens de s’organiser pour répondre collectivement à des obligations de couverture territoriale et de prises en charge non programmées. Nous avons bâti un cadre détaillé qui peut être rapidement traduit en articles de la convention et en modèles juridiques. Sa mise en œuvre rapide et large, exige de lever un certain nombre d’obstacles juridiques et réglementaires, plutôt que d’imaginer de nouvelles usines à gaz coûteuses et peu efficaces.
Le cadre de rémunération, CCAM et NGAP doit être revisité, simplifié et revalorisé.
- Il ne doit pas y avoir d’acte perdant dans la nouvelle CCAM : pas de baisse sur les cataractes ni sur les actes de radiologie. Réduire la valeur des actes conduit inévitablement à pervertir les pratiques et à peser sur la qualité et la pertinence des soins. Si un acte est utile, il doit être valorisé de manière équitable, et non selon une logique marchande.
- Les consultations spécialisées doivent être revalorisées selon une hiérarchie simple et lisible. Nous mettrons l’accent sur les consultations de première fois et les consultations d’expertise, tout en gardant la possibilité d’un suivi spécialisé, notamment dans le cadre des ESS. L’expertise spécialisée est la vraie garante de la pertinence des soins.
- Le dispositif réglementaire doit encourager les prises en charges rapides, tout en un temps, alors que la réglementation actuelle pousse à fractionner les prises en charges, ce qui a pour effet d’augmenter les coûts et les délais.
Notre objectif de tarification est
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40 € pour les consultations de suivi spécialisé.
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60 € pour les consultations d’expertise, notamment toutes les premières fois.
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80 € pour les consultations « très complexes ».
La pédiatrie, la psychiatrie et les spécialités cliniques méritent d’être priorisées, sans quoi elles finiront par disparaître ou être réservées à un nombre restreint de patients privilégiés.
Les tarifs de remboursement des patients doivent être les mêmes en Secteur 2 qu’en Secteur 1. Le nombre de médecins en Secteur 2 a dépassé celui des Secteurs 1 car les jeunes ne font plus confiance en la capacité de l’Assurance maladie à assurer des niveaux de prise en charge correspondant à leurs qualifications et aux exigences de leur métier. Les assurances complémentaires ont leur rôle à jouer pour financer des soins de qualité, plutôt que des prestations de bien-être.
L’OPTAM doit être mis à plat :
- Il faut une harmonisation entre régions et une ouverture des critères, sans quoi l’effet de cliquet auquel nous assistons découragera les médecins.
- Les médecins de Secteur 1 doivent tous avoir accès à cet OPTAM mis à jour. Il n’est plus concevable de les condamner à vie à rester dans un Secteur 1 où les conditions de rémunération sont de moins en moins viables, ne permettent plus d’avoir une secrétaire ou un local décent, doivent accéder à cet OPTAM remis à jour.
La nouvelle convention devra prendre en compte l’accélération de l’inflation. Cette dernière n’a jamais été nulle et les médecins spécialistes ont gravement pâti des blocages tarifaires depuis plus de 20 ans. Bloquer les tarifs sur cinq ans de plus condamnerait à la faillite beaucoup de spécialistes libéraux, qui sont aussi des employeurs.
3. Les lignes rouges d’Avenir Spé
Les points que nous avons présentés en propositions seront autant de lignes rouges si la CNAM refuse de les traiter de manière constructive.
Nous ne ferons pas de demandes qui ne soient étayées par des études sérieuses, mais la CNAM devra aussi savoir s’engager en termes de budgets et de volonté de simplifier et assouplir les règles.
Ce sera le seul moyen d’avancer.