Héléne Le Hors, Trésorière du SCPF
Le programme ICOPE (Integrated Care for Older People), développé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et déployé en France par les Agences Régionales de Santé (ARS), vise à prévenir la perte d’autonomie chez les personnes âgées de 60 ans et plus. Il repose sur une détection précoce des signes de déclin fonctionnel, même en l’absence de pathologie connue, afin d’agir rapidement pour préserver l’autonomie et la qualité de vie des patients.
ICOPE a été lancé en France en 2019 dans le cadre de la stratégie nationale de prévention de la perte d’autonomie. Son déploiement, coordonné par les ARS, est progressif avec pour objectif une généralisation à l’ensemble du territoire d’ici 2030. Certaines régions comme l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine, la Bourgogne-Franche-Comté ou la Corse-du-Sud ont été pionnières dans sa mise en œuvre. Le programme est aujourd’hui en cours d’extension dans la majorité des régions, selon une logique territoriale adaptée aux besoins locaux.
Pourquoi faut-il s’occuper de la prévention de la perte d’autonomie ?
En France, la perte d’autonomie touche actuellement environ 15 % des personnes de plus de 60 ans. Ce chiffre ne cesse d’augmenter avec le vieillissement de la population, et pourrait concerner près de 4 millions de personnes d’ici 2050. Ce phénomène résulte du vieillissement biologique naturel, mais il est largement aggravé par des maladies chroniques (diabète, pathologies cardiovasculaires, maladie d’Alzheimer, etc.), la dénutrition, la sédentarité, les troubles sensoriels, ou encore des facteurs sociaux tels que l’isolement ou la précarité.
Sur le plan économique, la perte d’autonomie représente un coût annuel estimé à près de 30 milliards d’euros, soit 1,4 % du PIB. Ce coût est majoritairement pris en charge par les finances publiques, mais les ménages supportent encore un reste à charge moyen de plus de 5 800 euros par an et par personne. À l’horizon 2060, les dépenses liées à la dépendance pourraient doubler, représentant alors près de 3 % du PIB. Par ailleurs, la pression sur les Ehpad et les services d’aide à domicile ne cesse de croître, dans un contexte de sous-financement chronique et de pénurie de personnel qualifié.
Comment fonctionne le programme ICOPE ?
ICOPE repose sur le suivi de six fonctions clés : la mobilité, la nutrition, la vision, l’audition, les fonctions cognitives, et l’état psychologique. Le parcours se décline en trois niveaux :
- Niveau 1 : dépistage simple, réalisable par un professionnel de santé ou directement par le patient via l’application ICOPE Monitor.
- Niveau 2 : en cas de trouble détecté, une évaluation clinique approfondie est effectuée pour en déterminer la cause et la gravité.
- Niveau 3 : mise en place d’un plan personnalisé de soins et de prévention, intégré au parcours global de santé du patient.
Quelle place pour les médecins spécialistes libéraux dans ce programme ?
Les médecins spécialistes jouent un rôle clé dans le repérage de la perte d’autonomie, notamment dans la prise en charge des pathologies chroniques (rhumatologie, cardiologie, pneumologie, ophtalmologie, psychiatrie, neurologie, endocrinologie…).
Les gériatres, spécialistes du vieillissement, placent naturellement la prévention de la perte d’autonomie au cœur de leur pratique.
Les spécialistes libéraux, quant à eux, sont au plus près des personnes à risque, sur le terrain. En ville, ils ont toute leur place dans le repérage et la prise en charge des patients fragiles, présentant des pathologies chroniques. Les cas très complexes ou instables sont, eux, orientés vers le milieu hospitalier.
Il est donc essentiel que tous les médecins spécialistes libéraux connaissent le programme ICOPE et informent leurs patients.
Ils doivent devenir des acteurs clés du dépistage, dans le cadre du suivi annuel ou pluriannuel. Leur prise en charge doit intégrer cette prévention du risque de perte d’autonomie.
Le programme ICOPE leur propose un plan de soins global et met à leur disposition les ressources nécessaires. En cas de besoin, ils pourront orienter les patients vers un gériatre libéral.
Le Syndicat National des Gériatres Libéraux, à travers le Syndicat Avenir Spé, souhaite informer et mobiliser les médecins spécialistes libéraux autour de cette problématique de santé publique majeure, aux conséquences sociales et économiques considérables pour notre avenir.