L’édito : Après la non signature, l’action se poursuit !Cette lettre d’information n’est que la première de l’année 2023. Pendant quatre mois, AVENIR SPE a consacré tout son temps et son énergie à rédiger des propositions argumentées et à les défendre avec ardeur pour parvenir à une convention médicale acceptable au présent et porteuse d’avenir. |
En face de nous, le Gouvernement, les Parlementaires et la Caisse ont imposé des contraintes incessantes au travers de projets de loi délétères et d’une lettre ministérielle de cadrage restrictive.
AVENIR SPE a été le seul à jouer la transparence en adressant des documents au Département des actes dès le mois de septembre. Inversement, la Caisse ne nous a dévoilé ses projets qu’à l’heure même des réunions de négociations successives, laissant les points critiques dans un flou volontaire. Bien difficile, dans ces conditions de communiquer sérieusement avec notre base…
Vendredi soir, le 24 février 2023, au lendemain de la dernière séance de négociation conventionnelle, l’assemblée générale d’AVENIR SPE a voté à l’unanimité le rejet du texte conventionnel imposé par la Caisse, sous contrainte du Gouvernement et du Président de la République. Le rejet a essentiellement porté sur le Contrat d’engagement territorial (CET) qui voulait conditionner les augmentations tarifaires à des obligations de travailler plus, tout en nous engageant dans des démarches organisationnelles chronophages, sans tenir compte du vieillissement d’une majorité de médecins ni des impératifs des jeunes médecins, souvent des femmes avec des enfants en bas âge. Jusqu’au bout, nous avons tenté de convaincre le directeur de la CNAM d’assouplir son dispositif pour qu’il soit susceptible d’entraîner une majorité de médecins, mais sur chaque point du projet conventionnel, nous nous sommes heurtés à un dogmatisme rigide, contrastant avec les largesses accordées aux établissements, y compris privés, et d’un « open bar » accordé aux professions paramédicales auto-proclamées « compétentes ».
AVENIR SPE a été le seul syndicat à défendre l’ensemble des spécialités et à porter leurs demandes et propositions dans des documents harmonisés, adressés par écrit à la Caisse à chaque étape de la négociation. Ceci a nécessité de multiples réunions de concertation et d’innombrables échanges de mails. Bien sûr, il est plus facile de multiplier des communiqués spectaculaires d’opposition à tout, que d’essayer d’élaborer des propositions consensuelles et crédibles comme nous l’avons fait.
La crise actuelle va déboucher sur un règlement arbitral dont la rédaction a été confiée à Mme Annick MOREL, haut fonctionnaire à la retraite qui a travaillé dans différents ministères (dont celui de Claude Evin), dirigé la Caisse nationale d’allocations familiales et présidé le Haut conseil pour l’avenir de l’assurance maladie (HCAAM) jusqu’en 2018. Elle est censée faire la synthèse des avis des uns et des autres, mais il n’est guère douteux que les mesures coercitives voulus par le ministère ont plus de chance de figurer dans ce règlement que les avantages que nous espérions : l’assouplissement de l’APC, toujours refusé par Thomas Fatôme, les augmentations tarifaires, l’accès à l’OPTAM pour les médecins en Secteur 1, l’élargissement des critères de l’OPTAM…Cela est prévu pour durer, peut être jusqu’à ce que la révision de la CCAM soit achevée.
On peut espérer que ces péripéties montreront à ceux qui en doutaient l’importance de tous se mobiliser pour apporter un contre-poids à la tendance lourde conduisant à asservir les médecins et à ignorer les spécialistes libéraux au seul profit de l’Hôpital Public. C’est pourquoi, AVENIR SPE appelle tous ceux qui prendrons connaissance de cette lettre à cotiser à AVENIR SPE en même temps qu’à leur syndicat de verticalité, ainsi qu’à s’engager dans un prosélytisme déterminé, notamment auprès des jeunes confrères. Il faut nous aider à développer un réseau syndical dans toutes les régions, sur tous les territoires en s’appuyant sur ceux qui ont été candidats aux précédentes élections URPS.
Merci de nous aider à mettre à jour nos mailing lists en nous communiquant toutes les adresses de confrères que vous connaissez dans votre région, en particulier celles des jeunes installés.
AVENIR SPE ne ménagera pas ses efforts pour mieux vous informer, pour sensibiliser l’opinion publique et les responsables politiques et pour continuer de faire pression sur la CNAM afin de parvenir enfin à une convention valorisant équitablement toutes les spécialités.
AVENIR SPE est aujourd’hui le seul syndicat de spécialistes qui défend et construit l’avenir de la médecine spécialisée.
Dr Patrick Gasser, président d’AVENIR SPE
→ Lire notre dernier communiqué de presse « Pourquoi Avenir Spé – Le Bloc dit non »
Ce que nous avons refusé et ce que nous demandons
Dès le mois de septembre 2022, AVENIR SPE a adressé des documents construits à la CNAM. Après chaque séance de négociation, nous avons également adressé nos observations par écrit. A la fin de la négociation officielle, nous avons rédigé un document de synthèse à l’intention de Mme Annick MOREL, chargée de rédiger le règlement arbitral.
AVENIR SPE est conscient de l’importance d’apporter des réponses à la population en matière d’accès aux soins spécialisés, notamment les urgences et la couverture des territoires.
Le Contrat d’engagement territorial a malheureusement placé la barre trop haut, exigeant à la fois de voir plus de patients et de s’inscrire dans des démarches chronophages comme les consultations avancées. L’accueil des internes stagiaires est un vœux pieux quand on sait la réticence des doyens et des ARS d’accorder des postes aux médecins spécialistes libéraux. Le refus d’assouplir l’APC et d’élargir le regroupement des actes est un frein puissant à l’optimisation de l’activité médicale.
La création des ESS reste un projet essentiel pour parvenir collectivement à nos objectifs et repositionner la médecine libérale spécialisée de manière lisible. Plutôt que la contrainte individuelle d’un CET, il s’agit d’une perspective constructive susceptible de fédérer l’énergie et les compétences des médecins spécialistes en leur offrant plus de moyens d’action. C’est un sujet qu’AVENIR SPE ne lâchera pas.
Enfin, les critères trop restrictifs de l’OPTAM et le refus de l’ouvrir aux médecins de Secteur 1 sont de nature à faire fuir les médecins de cette option au lieu d’en augmenter l’attractivité. Bien sûr, la tarification pénalisant le Secteur 2 ne fera qu’au détriment des patients.
→ Lire le document pour Annick MOREL, chargée de la rédaction du Règlement arbitral
Le point de vue des spécialités
La pédiatrie – SNPFL’assemblée générale du syndicat des pédiatres a débattu pendant quatre heures avant de s’accorder sur le rejet de la convention médicale proposée par l’Assurance maladie. Celui-ci annonçait pourtant une revalorisation substantielle de l’activité de pédiatrie, mais :
Dr Brigitte Virey, Présidente du Syndicat National des Pédiatres Français |
La psychiatrie – AFPEP-SNPPL’attente des psychiatres libéraux à l’égard de la négociation conventionnelle était forte. Notre spécialité souffre actuellement d’un manque d’attractivité connue et la faiblesse des revenus en est un élément important. Nous avons également connaissance des difficultés rencontrées dans les territoires peu, voire pas, dotés en psychiatres libéraux. Dr Michel Jurus, Président du Syndicat National des Psychiatres Privés |
La médecine physique et de réadaptation – SYFMERLes spécialistes en médecine physique et de réadaptation libéraux ont été très actifs pour promouvoir des programmes de prise en charge spécialisée fondée sur des évaluations cliniques répétées et une coordination de qualité de différents intervenants médicaux et paramédicaux en réseau ambulatoire. Nous espérions que la nouvelle convention nous donne enfin les moyens de nous organiser de manière rationnelle pour pouvoir mettre en œuvre ce qui se fait depuis des décennies dans les établissements à des coûts bien supérieurs. Au lieu de cela, la Caisse est restée opposée à un assouplissement d’un APC essentiellement conçu pour les spécialités chirurgicales et techniques alors que dans notre spécialité, un programme de réadaptation est le pendant d’une intervention dans un bloc opératoire. Il n’y a aucun motif rationnel à ce blocage. Le SYFMER continuera à se battre pour une juste valorisation de l’expertise spécialisée, meilleur moyen d’améliorer la pertinence et la qualité des soins, pour que l’on facilite le regroupement des actes, pour que l’OPTAM soit plus ouvert et attractif et pour que les ESS puissent ouvrir des prises en charges dérogatoires de sois non pris en charge par le dispositif actuel. AVENIR SPE est le seul syndicat à porter ces revendications. Dr Georges DE KORVIN et Dr Jean-Pascal DEVAILLY, Président du Syndicat Français de Médecine physique et de Réadaptation |
La pneumologie – SARLa CNAM a totalement méconnu l’exercice spécifique des pneumologues qui combine étroitement l’activité clinique et les examens paracliniques tarifés à la CCAM. De fait, le projet conventionnel n’apportait rien de plus aux pneumologues. Alors, à quoi bon s’engager dans un Contrat d’engagement territorial imposant des contraintes sans véritable contrepartie ? C’est pourquoi, les pneumologues ont largement voté contre ce projet de convention médicale. Dr Bruno STACH, Président du Syndicat de l’Appareil Respiratoire |
La gériatrieLa gériatrie est une jeune spécialité. L’essor de la gériatrie, en tant que spécialité libérale, passe par la reconnaissance de son exercice. L’expertise gériatrique est spécifique et se définit par une prise en charge globale médico- psycho-sociale de situations complexes, voire très complexes et chronophages. Pour que cette activité libérale puisse exister il est nécessaire d’autoriser l’accès direct à la consultation de gériatrie, établir une nomenclature spécifique des différents types de consultation de gériatrie, notamment à domicile, autoriser le cumul d’une consultation de gériatrie (suivi clinique) et de l’évaluation thymique ou cognitive, etc. Dr Catherine Tobie |
L’infectiologieLes infectiologues libéraux ont majoritairement voté contre la nouvelle convention proposée par l’Assurance Maladie. Après notre engagement fort dans la gestion pandémique du Covid-19, des années à soutenir la politique nationale du bon usage des antibiotiques, à lutter contre l’antibiorésistance, collaborer avec les établissements de santé, les généralistes, les spécialités médicales et chirurgicales, les infectiologues libéraux espéraient un signe de reconnaissance de la part de l’Assurance Maladie. Leurs attentes étaient simples : une revalorisation de leurs consultations longues et complexes, tant à leur cabinet qu’en hospitalisation. Ils ont établi une liste limitée pour définir les avis complexes d’infectiologie, dans l’espoir que leurs demandes soient entendues comme celles des pédiatres, des endocrinologues et des psychiatres. Les négociations conventionnelles ont révélé le fossé qui sépare nos attentes de ce que propose l’Assurance Maladie en termes de revalorisation et tout simplement de reconnaissance du travail que nous faisons chaque jour, nous laissant dans une amère déception. Dr Florence Suy |
La chirurgie pédiatrique – SCPFLes chirurgiens pédiatres sont dans le bas du tableau des revenus par spécialité. Leur nomenclature CCAM est très mal tarifée, ne reconnaissant pas les difficultés spécifiques des interventions réalisées sur de jeunes enfants. Nous avons demandé une revalorisation générale des interventions réalisées avant l’âge de 4 ans. Les chirurgiens pédiatres ne peuvent plus attendre la révision générale de la CCAM, prévue pour 2024 ou 2025. Certains chirurgiens ont déjà abandonné l’exercice pédiatrique et il est difficile d’attirer des jeunes en secteur libéral. Les enfants vont-ils continuer de bénéficier de chirurgiens compétents pour les opérer ? Dr Hélène LE HORS, Présidente du Syndicat des Chirurgiens Pédiatres Français |
L’ophtalmologie – SNOF2023 devait être l’année de la nouvelle Convention médicale, elle restera probablement pour la médecine libérale comme étant celle du règlement arbitral. Les espoirs étaient grands des deux côtés vu la prolongation de deux ans de la Convention de 2016 et le contexte particulier créé par la pandémie. Après l’implication des médecins dans la lutte contre le Covid et l’effort fait par les pouvoirs publics pour les hôpitaux dans le Ségur de la Santé, il fallait envoyer également des signaux positifs pour la médecine de ville. |
L’endocrinologie – SEDMENDepuis 1987, date de reconnaissance de la spécialité et de l’accès à la CS, les honoraires tout comme les revenus des Endocrinologues – Diabétologues – Nutritionnistes libéraux sont parmi les plus faibles des médecins libéraux, généralistes et spécialistes confondus. Nous attendions beaucoup des négociations conventionnelles et espérions même une revalorisation de notre MCE. Mais le constat fut amer et brutal : rien pour notre spécialité clinique. Que dire de l’absence de reconnaissance de notre engagement auprès des patients diabétiques et du temps que nous leur consacrons grâce aux nouvelles technologies et à l’émergence de nouvelles thérapeutiques qui imposent un minimum d’éducation thérapeutique, puisque nous ne pouvons pas coter plus d’une MCE par an ? Face à la pénurie de médecins traitants pour les patients diabétiques de type 1 et de type 2, nous avons été capables (et nous le serons toujours), en notre qualité de spécialistes, d’assurer cette relève logique qui, à ce jour, n’est pas encouragée. |
Financiarisation de la médecine et biologie médicale : des labos de quartier aux multinationales
Un article du Monde Diplomatique dénonce la main-basse sur les analyses et les médicaments. On peut ne pas être d’accord sur tout, mais le mécanisme est bien démonté.
Nous avons déjà affirmé que la loi Rist, en faisant sauter la sécurité de la prescription médicale, fût-ce celle du MG, favorise la généralisation des chaînes industrielles à « auto-prescription » sous contrôle financier !
Seule une déréglementation à outrance de la médecine, comme lors des lois révolutionnaires (d’Allarde et Le Chapelier) où il suffisait de dire « je suis compétent » pour qu’on vous croie et que le marché reconnaisse les siens, peut favoriser les fonds d’investissement. C’est de l’ultra-libéralisme économique, mais pas du libéralisme médical qui suppose la protection des citoyens par la réglementation de l’exercice de l’art médical. Je me navre que tant de spécialistes ne le voient pas. Ils pleureront trop tard.
Dr Jean-Pascal DEVAILLY. PH et président du SYFMER
En anatomo-cyto-pathologie aussi, tout le monde souhaite faire travailler et faire évoluer nos techniciens ; par exemple, en devenant « macroscopiste » ou « cytologiste » alors, que la responsabilité reste médicale. Je pense qu’il n’est pas honnête de faire croire à une réelle évolution des métiers. Cela n’est rendu possible par un « tronçonnages » de l’acte médical. Or, il ne faut pas oublier que l’acte médical couvre tout et reste sous la responsabilité du médecin.
Dr Jérome CHETRITT. Président d’IHP Group
Fin de la lettre n°44